Trois récentes défaillances d’entreprises américaines ont secoué le marché du crédit privé, suscitant un vent d’inquiétude chez les investisseurs. Pourtant, ces incidents — pour la plupart liés à des prêts bancaires syndiqués ou à des fraudes — ne reflètent pas la santé du véritable marché du private credit, dont les fondamentaux demeurent solides.
Des défauts spectaculaires mais atypiques
Les faillites successives de Tricolor, First Brands et d’un conglomérat de télécommunications contrôlé par Bankim Brahmbhatt ont fait perdre plus de 1,3 milliard de dollars à des acteurs de premier plan, dont J.P. Morgan, UBS, Jefferies et BlackRock.
Dans le détail, Tricolor, un concessionnaire automobile spécialisé dans les prêts aux immigrés sans historique de crédit, a entraîné 170 millions de dollars de pertes pour ses principaux créanciers. First Brands, fabricant de pièces automobiles lourdement endetté, a exposé UBS et Jefferies à des pertes respectives de 500 et 715 millions de dollars. Quant au dossier BlackRock, il s’avère particulièrement sensible : l’entreprise a découvert que les créances clients servant de garantie à ses prêts étaient falsifiées.
À première vue, ces épisodes pourraient faire penser à un risque systémique, comme celui observé sur le marché des prêts à effet de levier avant la crise de 2008. Pourtant, plusieurs éléments invitent à relativiser. Ces dettes ne relèvent pas, dans la plupart des cas, du crédit privé au sens strict, mais du marché bancaire syndiqué, un univers parallèle, plus exposé à la titrisation et à la liquidité boursière.
Un marché structuré et plus sélectif
Le crédit privé, ou private credit, désigne les prêts consentis directement à des entreprises non cotées par des fonds spécialisés, sans passer par les marchés publics. Il s’agit le plus souvent de dette senior sécurisée, bénéficiant de garanties solides et d’un dialogue direct entre prêteur et emprunteur.
« Les médias confondent souvent dette privée et dette cotée », rappelle Proskauer, dont l’indice de référence (Private Credit Default Index) mesure un taux de défaut inférieur à 1,5 %, soit en dessous de la moyenne historique du secteur.
Cette stabilité s’explique par la nature des acteurs : les gérants de fonds de dette privée — Apollo, Ares, Tikehau Capital, Blue Owl, CVC, Blackstone, Morgan Stanley IM — privilégient des structures de financement adaptées à la taille et à la rentabilité des entreprises, avec des clauses de protection (covenants) renforcées depuis 2023.
Les investisseurs institutionnels et particuliers fortunés continuent d’y voir un outil de diversification offrant un couple rendement/risque attractif, avec des rendements annualisés souvent supérieurs à 8 % dans les stratégies de direct lending.
L’évolution réglementaire joue également en faveur du secteur : le cadre ELTIF 2.0, entré en vigueur début 2024, facilite l’accès des investisseurs européens à ce type de produits en réduisant les contraintes de liquidité et de ticket minimal.
Opportunités à long terme malgré les turbulences
Pour les investisseurs particuliers, la sélectivité demeure la clé. Certains intermédiaires comme Ramify proposent désormais un accès direct à des fonds ou fonds nourriciers de grandes maisons mondiales (Morgan Stanley, Blackstone, Tikehau, CVC, etc.) via des véhicules evergreen, permettant une exposition maîtrisée à la dette privée mondiale.
Le contexte macroéconomique, marqué par des taux durablement élevés et un accès au crédit bancaire restreint, devrait continuer à soutenir la demande de financement privé. Les entreprises de taille intermédiaire (ETI) et les opérations de refinancement représentent un terrain fertile pour les prêteurs alternatifs.
Selon les estimations de Preqin, la taille du marché mondial du private credit pourrait atteindre 2 000 milliards de dollars d’encours en 2026, contre environ 1 600 milliards aujourd’hui.
Si les défaillances récentes rappellent que le risque de crédit n’est jamais nul, elles ne traduisent pas un mouvement de fond. Le private credit reste un segment en expansion, structuré et diversifié, dont les performances reposent davantage sur la rigueur des gérants que sur les cycles de marché.





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